Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Versailles a réaffirmé l’existence d’un principe général du droit à la protection fonctionnelle pour tous les agents publics quelque soit le mode d’accès à leurs fonctions, y compris les conseillers municipaux n’ayant reçu aucune délégation – clarifiant ainsi une problématique récurrente dans les collectivités.
Dans cette affaire, les vingt-cinq élus de la majorité municipale de la ville avaient fait l’objet de poursuites pénales pour des faits de diffamation. Initialement poursuivis dans le cadre d’une information judiciaire, tous les élus avaient vu leur mise en examen annulée – ceux-ci n’ayant en réalité commis aucune infraction.
C’est dans ce contexte que par une série de délibérations, la protection fonctionnelle avait été accordée aux élus mis en cause et leurs frais d’avocat pris en charge par la ville.
Considérant que ces délibérations étaient illégales, dans la mesure notamment ou certains de ces élus étaient dépourvus de toute délégation, un élu de l’opposition avait déféré ces délibérations à la censure du juge administratif.
En appel, la cour administrative a rappelé d’abord que conformément aux termes de l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales, la protection fonctionnelle ne peut être accordée qu’au maire ou aux seuls élus municipaux suppléant le maire ou ayant reçu une délégation de la part de ce dernier et que dans ces conditions, les délibérations litigieuses ne pouvaient être prises sur le fondement de ces dispositions.
Procédant ensuite à une substitution de motifs, la Cour a rappelé que :
« Lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d’une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l’ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personne détachable du service ne lui est pas imputable. De même, il lui incombe de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personne,et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. Ce principe général du droit a d’ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires, par les articles L. 134-1 à L. 134-12 du code de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 2123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s’agissant des exécutifs des collectivités territoriales. Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions, notamment à l’ensemble des conseillers municipaux, même ceux n’ayant pas reçu de délégation du maire et n’exerçant en conséquence pas de fonction exécutives ».
En dépit du caractère restrictif de la rédaction de l’article L. 2123-34 du CGCT, les élus locaux dépourvus de toute fonction exécutive peuvent donc eux aussi bénéficier de la protection fonctionnelle.
Références : CAA Versailles, 9 février 2024, req. n°22VE01436