Création d’entreprise pour les fonctionnaires : le guide complet

Certains agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, peuvent avoir pour projet de quitter leurs fonctions pour créer leur entreprise.

S’il est bien entendu possible de démissionner purement et simplement pour se consacrer à sa nouvelle activité, certaines dispositions permettent à l’agent de diminuer le risque qu’il prend en cumulant, pendant une durée plus ou moins longue, ses fonctions et son projet entrepreneurial.

Cet article propose un tour d’horizon des différentes options qui s’offrent à ceux qui envisage de faire le grand saut.

A titre liminaire, on rappellera que par principe, les agents publics doivent se consacrer entièrement à leurs fonctions et ne sont donc pas autorisés à les cumuler avec une autre activité.

Cette règle est rappelée à l’article L. 123-1 du Code général de la fonction publique :

L’agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8.

« Il est interdit à l’agent public :

1° De créer ou de reprendre une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou affiliée au régime prévu à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale ;

2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ;

4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ;

5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet »

Les dispositifs présentés ci-après constituent donc des dérogations à ce principe

1) L’exercice d’une activité accessoire

Certaines activités peuvent être exercées par les agents publics à titre accessoire, c’est-à-dire en parallèle d’un emploi à temps plein ou à temps partiel, conformément aux dispositions de l’article L. 123-7 du Code général de la fonction publique.

Les agents publics qui souhaitent se lancer dans une activité tout conservant la stabilité de leur emploi peuvent, dans certaines conditions, exercer une activité accessoire comme auto-entrepreneur.

Attention cependant : la liste des activités susceptibles d’être exercées dans ces conditions est listées de manière exhaustive par l’article 11 du décret n°2020-69 du 30 janvier 2020, aux termes duquel :

« Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d’être autorisées sont les suivantes :
1° Expertise et consultation, sans préjudice des dispositions du 3° du I de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 mentionnée ci-dessus et, le cas échéant, sans préjudice des 
dispositions des articles L. 531-8 et suivants du code de la recherche ;
2° Enseignement et formation ;
3° Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel ou de l’éducation populaire ;
4° Activité agricole au sens du 
premier alinéa de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime dans des exploitations agricoles constituées ou non sous forme sociale ;
5° Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale mentionnée à l’
article R. 121-1 du code de commerce ;
6° Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin, permettant au fonctionnaire de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide ;
7° Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
8° Activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif ;
9° Mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un Etat étranger ;
10° Services à la personne mentionnés à l’
article L. 7231-1 du code du travail ;
11° Vente de biens produits personnellement par l’agent.
Les activités mentionnées aux 1° à 9° peuvent être exercées sous le régime prévu à l’
article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.
Pour les activités mentionnées aux 10° et 11°, l’affiliation au régime mentionné à l’article L. 613-7 du code la sécurité sociale est obligatoire ».

Attention cependant, l’activité accessoire doit être compatible avec les fonctions confiées à l’agent public et ne pas affecter l’exercice de ces fonctions.

L’article 10 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique prévoit par ailleurs que l’activité « ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service », ni placer l’agent en situation de conflit d’intérêt.

L’agent qui souhaite se lancer dans une activité accessoire doit, selon les cas, demander une autorisation préalable ou simplement informer, par déclaration préalable, son employeur de son projet.

Le régime d’autorisation préalable, est détaillé aux articles 12 et 13 du décret du 30 janvier 2020 suscité.

En substance :

  • Avant de débuter son activité, l’agent adresse à son autorité hiérarchique une demande écrite, comportant « l’identité de l’employeur ou nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité accessoire envisagée » ainsi que  « la nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité accessoire », outre « toute autre information de nature à éclairer l’autorité hiérarchique sur l’activité accessoire envisagée » ;
  • Dans un délai de quinze jours maximum, l’autorité hiérarchique peut solliciter de son agent des informations complémentaires sur l’activité accessoire envisagée ;
  • Une réponse, qui peut être assortie de réserve, est adressée à l’agent dans un délai d’un mois – le silence gardé par l’administration valant rejet de la requête.

Attention par ailleurs, tout « changement substantiel » soit dans les « conditions d’exercice » soit dans la « rémunération » de l’activité accessoire doit donner lieu à une nouvelle demande d’autorisation.

En résumé, l’exercice d’une activité accessoire peut permettre aux agents publics de lancer leur entreprise, mais uniquement dans un nombre très limité de domaines et comme auto-entrepreneur.

Heureusement, un autre régime permet de créer son entreprise.

2) Le régime spécifique de la création d’une entreprise

Un régime spécifique existe pour les agents qui souhaitent créer leur entreprise. Celui-ci a deux caractéristiques essentielles :

  • Il est transitoire, l’autorisation n’étant accordé que pour un délai de 3 ans ;
  • Il suppose nécessairement de travailler à temps partiel.

Ainsi, l’article L. 123-8 du Code général de la fonction publique prévoit que :

« L’agent public qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative.
L’autorisation d’accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, est accordée, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d’un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise.
Une nouvelle autorisation d’accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ne peut être accordée moins de trois ans après la fin d’un service à temps partiel pour la création ou la reprise d’une entreprise.
Lorsque l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise avec les fonctions exercées par l’agent public au cours des trois années précédant sa demande d’autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l’avis de ce dernier ne permet pas de lever le doute, l’autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lorsque l’avis du référent déontologue ne permet pas de lever ce doute. La Haute Autorité se prononce dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre IV.
Lorsque l’agent public occupe ou a occupé au cours des trois dernières années un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, l’autorité hiérarchique soumet la demande d’autorisation à l’avis préalable de la Haute Autorité. A défaut, l’agent public peut également saisir cette dernière »

Autrement dit, les agents publics qui travaillent à temps complet et qui souhaitent créer leur entreprise peuvent être autorisés à passer à temps partiel – sous réserve que le temps de travail reste au moins égal à un mi-temps.

L’autorisation est accordée pour un délai de trois ans, renouvelable une fois pour une durée d’un an.

L’autorité hiérarchique doit contrôler que l’agent ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêt et ne s’expose pas à une mise en cause pénale, par exemple au titre de la prise illégale d’intérêt.

Pour la grande majorité des agents, ce contrôle est effectué en interne, ou par le référent déontologue si le projet pose une difficulté.

Pour les agents qui exercent des fonctions sensibles, dont la liste figure à l’article 2 du décret du 30 janvier 2020, le contrôle préalable par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est automatique.

En pratique, le régime d’autorisation est prévu par l’article 16 du décret du 30 janvier 2020.

3) La placement en disponibilité

L’agent public qui souhaite se consacrer à temps plein à la création de son entreprise tout en conservant un « filet de sécurité » peut demander son placement en disponibilité pour création d’entreprise, pour une durée maximale de deux ans.

L’administration ne peut s’opposer à ce projet que dans deux hypothèses :

–         Les nécessités du service rendent impossible votre départ à court terme

–         Le projet de reconversion est impossible en raison d’un risque de prise illégale d’intérêt.

Le régime précis du placement en disponibilité varie selon votre administration d’origine (cf. pour la FPT l’article 23 du Décret n°86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l’intégration et pour la FPR l’article 46 du Décret n°85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’Etat, à la mise à disposition, à l’intégration et à la cessation définitive de fonctions).

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